Bemba libre, mais où aller?

Bemba libre, mais où aller?

Le criminel de guerre accusé, Jean-Pierre Bemba Gombo, ancien vice-président de la République démocratique du Congo, RDC, s’est vu accorder une mise en liberté provisoire en attendant son procès mais il faut d’abord trouver un pays qui puisse l’héberger.



L’Accusation à la Cour pénale internationale, CPI, a fait appel de la décision du 14 août – bien qu’en principe Bemba soit maintenant libre d’attendre le début de son procès hors de la prison.



D’un point de vue juridique, la Cour n’avait probablement pas le choix.



Si nous croyons en un système de justice juste et impartial, un détenu doit alors bénéficier d’une liberté sous caution, à partir du moment où il a donné des garanties adéquates qu’il comparaîtra à son procès, et ne posera pas d’obstacles à la procédure.



La liberté devrait toujours être le principe et la détention l’exception.



Bemba est à la tête du plus grand parti politique en RDC – le Mouvement pour la libération du Congo, MLC – et sa libération conditionnelle intervient à un moment opportun.



Le parti, qui se débattait entre différentes ailes politiques, a désormais une excellente occasion de se regrouper avant les élections nationales dans le pays, qui devraient avoir lieu en 2011.



Le MLC s’est battu contre le gouvernement congolais au cours de la guerre civile dans le pays entre 1998 et 2003. Suite à la fin des hostilités, le MLC a participé au gouvernement transitionnel, avec Bemba comme l’un de ses vice-présidents.



Lors des élections présidentielles de 2006, Bemba avait obtenu le deuxième plus grand nombre de voix dans le pays, ce qui a fait de lui un opposant formidable capable de destituer le président Joseph Kabila.



La CPI avait émis un mandat d’arrêt contre Bemba le 24 mai 2008, pour sa participation présumée dans les atrocités commises en République centrafricaine, RCA, en 2002 et 2003 lorsque les soldats du MLC avaient été appelés pour aider à s’opposer à une tentative de coup d’état.



La mise en liberté conditionnelle de Bemba ne prédétermine en aucun cas le résultat du procès, qui doit encore commencer.



Mais, en faisant appel de la décision, Luis Moreno-Ocampo, Procureur de la Cour, a exprimé des inquiétudes que Bemba pourrait s’enfuir, et qu’il pourrait même faire du mal aux témoins indispensables à son procès ou les intimider.



L’équipe de l’Accusation a jusqu’à présent eu peu de succès à trouver quelqu’un à qui attribuer les atrocités commises en RCA. Après de longues enquêtes, Bemba a été le seul à être inculpé.



Dès le début, il y a eu de vives spéculations en RDC quant au fait que la détention de Bemba n’était rien de plus qu’un geste cynique de Kabila pour se débarrasser d’un adversaire politique dangereux.



La nouvelle de sa mise en liberté pourrait renforcer ce point de vue sur le terrain, et fournir au MLC de nouvelles munitions contre Kabila.



Cela a également fortement renforcé le moral des membres du parti, qui ont désormais un chef central autour duquel ils peuvent de nouveau se rassembler.



Le dernier espoir au sein du parti est que Bemba soit jugé et acquitté avant les élections de 2011.



Son retour sur sa terre d’origine, où il continue à bénéficier d’un soutien considérable, pourrait aider à améliorer la performance du MLC aux élections de manière significative.



Cependant, étant donné le calendrier, même s’il était acquitté, il pourrait ne pas rentrer à temps dans son pays.



En dépit de la grande excitation qui entoure sa mise en liberté, l’influence directe de Bemba sur l’appareil du parti sera limitée.



Inévitablement, la CPI imposera des conditions strictes qui ne lui permettront pas de reprendre contrôle du parti ou de s’immiscer dans les affaires politiques internes de la RDC.



En outre, il lui sera empêché de retourner en RDC, et toute la communication avec les membres du parti devra donc avoir lieu depuis l’étranger.



Bemba pourrait bénéficier d’une plus grande influence sur la politique congolaise s’il était relâché vers un pays où il y a une vaste communauté expatriée de son pays d’origine.



Cependant, cela semble aujourd’hui peu probable.



Bemba a suggéré six pays comme hôtes potentiels : la Belgique, la France, le Portugal, l’Allemagne, l’Italie et l’Afrique du Sud et la CPI va tenir des audiences avec ses pays en septembre pour entendre ce qu’ils ont à dire.



Trois d’entre eux – la Belgique, la France et l’Afrique du Sud – ont une importante population congolaise. Bemba a aussi de forts liens familiaux en Belgique.



Mais personne ne semble particulièrement désireux d’offrir à Bemba une résidence temporaire.



La Belgique et la France ont ouvertement dit qu’elles ne sont pas en position d’accueillir l’ancien chef rebelle, craignant que le fait d’accepter Bemba puisse créer des frictions internes. L’Afrique du Sud est restée évasive et a souligné qu’elle n’avait pas encore offert son hospitalité.



Il est donc probable que, une fois libéré, Bemba ait à opter pour un endroit plus détaché des affaires de son pays d’origine.



Cela va sans aucun doute réduire son engagement politique, même si cela ne diminue pas l’excitation avec laquelle la nouvelle de sa prochaine mise en liberté a été accueillie par les membres de son parti.



Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de l’IWPR.
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